Je suis seul, debout dans une pièce sombre et glaciale. Pas qu’il fasse spécialement froid. Peut-être un peu. Mais elle est austère. Elle n’a rien d’accueillant. Au fond, elle a tout ce qu’il faut pour qu’on comprenne qu’il s’agit d’une cellule de prison, appuyant fortement sur ce que je viens de vivre. En plus de ça, il fait sombre à cause de la nuit qui règne en maître à l’extérieur. Mais que s’est-il… ?!

Non. Non… Je dois garder la tête froide. M’énerver ne m’aidera pas à réfléchir et, surtout, je risque une crise. Qui sait si je pourrais recevoir de l’aide dans ma situation. Le calme est donc mon meilleur allié pour le moment. Alors, je m'assois sur le lit. Il est inconfortable et il me semble l’avoir entendu grincer. Sinistre… Bon. Nous étions le matin et j’allais à l’école. Clairement, je me rappelle chacun de mes gestes, chacune de mes paroles, chaque contact… Pourtant, en ouvrant une simple porte, c’était un changement d’univers total. Une descente en enfer en deux étapes. La condamnation puis la cellule. Suis-je en train de rêver ? Franchement, est-il même possible d’avoir des pensées si précises dans un rêve sans être conscient d’en faire un ? Ça se saurait si j’étais fou, donc ça ne doit pas être ça. Alors quoi ? Et puis c’était quoi déjà le chef d’accusation ? Ne pas avoir nourri un poisson rouge ? Depuis quand on est condamné à perpétuité pour ce genre de choses ? Et, même si c’était possible, depuis quand je suis responsable d’un poisson rouge ?! Je soupire. Avec de tels éléments en main, je ne peux que penser à un rêve.

Je porte mon regard autour de moi. Plus mes yeux s'attardent sur cette pièce, plus je la trouve austère. Il y a donc le lit sur lequel je suis assis, une table de nuit avec un toaster. Non mais franchement… Je l’ai déjà réalisé avant mais, que fout un p*tain de toaster ici ?! C’est pas logique, peu importe la manière dont on y pense ! Bref… Quoi d’autre ? Une horloge juste au-dessus de la porte. En plissant les yeux, je remarque que l’heure est en accord avec le paysage que je vois de ma lucarne. Je ne peux pas appeler ça une fenêtre. Un peu plus ça aurait pu être une meurtrière. Ce qui est sûr c’est que, peu importe la manière dont je m’y prendrais, jamais je ne pourrais passer par là pour tenter de fuir. Et je doute qu’ils aient laissé la porte ouverte. Quoique… Je n’ai pas entendu la clé se verrouiller. Malgré le risque que je ne l’ai pas entendu à cause de la panique, je me lève en prenant mon sac avec moi. C’est bizarre qu’ils ne me l’aient pas pris. Bref. Je me dirige discrètement en direction de la porte et tente de l’ouvrir. Rien ne bouge. Je tente encore avec de plus en plus de désespoir avant de balancer un coup de pied dans la porte innocente. Mauvaise idée ! P*tain !! Je me suis fait mal dans l’entreprise !

Après avoir fait une danse ridicule de la gestion de la douleur, je soupire en m’accroupissant, les mains sur ma tête. Je ne suis pas fatigué. J’ai de nombreuses raisons pour ça. Plus que ça, je réalise que ma famille va finir par s’inquiéter de mon absence. L’école les a sans doute déjà prévenus il y a longtemps, vu l’heure. Puis c’est pas mon genre de faire une fugue ou de partir simplement sans prévenir. Oh ! Je viens d’y penser. Je sors mon portable de mon sac et le déverrouille. Déjà, l’heure qui s’affiche sur l’écran n’est pas la même que celle indiquée sur l’horloge. C’est bizarre. Quant à la date… Lundi. C’est comme si j’étais toujours à l’école, en fait. Pas de nouveau message ou d’appel manqué. Pire, je ne capte pas. Je n’ai donc rien pour prévenir mes proches alors que je suis complètement perdu, aussi bien dans le temps que dans l’espace.

Rageusement, je me relève pour taper à plusieurs reprises dans la porte de mon pied, ignorant la douleur qui vient irradier ma jambe. Je ne m’arrête que lorsque je fatigue, pris d’une nouvelle quinte de toux grasse. Je dois me calmer. Je prends le temps de me calmer en m’asseyant contre la porte, à même le sol. Et maintenant… ? Je me suis déjà posé la question, mais qu’est-ce que je vais faire… ?

Maintenant que je suis assis contre la porte de ma cellule -ça ne peut être rien d’autre-, je me concentre sur ma respiration et mon besoin de rester calme pour ne pas faire une crise. Dire que j’aurais dû simplement être à l’école en ce moment même… Ou au moins chez moi si jamais mon état venait à l’imposer, ou bien si vraiment il est minuit passé… Je soupire à nouveau, désespéré par ce que je vis. Tout est calme, ajoutant du poids à ma solitude déjà bien imposante. Sans compter le noir dans lequel je suis plongé. J’ai froid…

Mon dos me fait mal. Les barreaux de la porte ne sont pas du tout confortables. Comment de l’acier pourrait-il l’être ? C’est n’importe quoi… Suis-je donc à ce point mentalement et moralement atteint par ce qu’il se passe que je pense de cette manière ? J’espère ne pas être tombé si bas… Après tout, ce n’est que le début… Enfin, je crois… A moins que ce ne soit qu’un cauchemar, je ne vois pas comment ça ne pourrait pas durer.



Ce murmure me semble résonner sur les murs autant que mes coups sur la porte qui me sert désormais d’appuie. Une illusion à cause de la solitude et l’austérité des lieux à n’en point douter. Impossible qu’un murmure résonne.

Soudain, des lumières s’allument derrière moi. Donc, dans le couloir. Je me retourne pour découvrir la personne que je n’ai pas entendu arriver. Un homme, grand et fin, cheveux noirs, les yeux… gris, si je ne dis pas de conneries ? … Après un regard qu’il m’a accordé, il a regardé tout autour sous mes yeux inquisiteurs. Est-il venu à cause du bruit ? D’ailleurs, maintenant que j’y pense, personne ne m’a demandé d’arrêter. Personne n’a râlé ou m’a insulté. Seul le silence a été maître des lieux, comme si j’étais seul dans cette prison. Impossible… N’est-ce pas ?

Après avoir fini son tour rapide, il me regarde à nouveau alors que je n’ai pas arrêté de le fixer, de l’observer. Comme ça, il a l’air d’être du genre calme, mais je me méfie. Il pourrait cacher son jeu et, avec les hurluberlus auxquels j’ai eu affaire jusqu’à maintenant depuis le début de cette histoire, je me méfie. Pourtant c’est vraisemblablement en accord avec la première impression que j’ai de lui qu’il se présente. J’ai donc affaire à un médecin. Aurait-il été alerté par mes toux ? Il ne m’en dit rien. En fait, après sa présentation il ne dit rien de plus.
Restant appuyer sur ma porte, je le regarde avec mauvaise humeur bien que je me force au calme, et j’exige froidement :



Je me suis énervé malgré que je n’ai pas élevé la voix. Le fait que ma respiration se soit accélérée a suffit pour provoquer une nouvelle quinte de toux. C’est chiant, mais ça va. Je ne suis pas en crise non plus. C’est même plutôt habituel comme désagrément avec ma maladie. Je me reprends donc assez bien, pour le moment, et regarde à nouveau Dana Grimm. J’espère qu’il va voir que je ne plaisante pas et que, surtout, s’il s’agit d’une blague, elle ne me fait pas rire du tout.

Les premières paroles que j’entends de sa part devraient me rassurer puisqu’il sait. S’il sait, c’est que je peux avoir l’espoir de… Bon… Ce n’est pas un rêve. Enfin, d’après lui. Dans un sens, mes sens me le confirment, tout comme la logique de mes pensées et mes propres actions. Puis, à part mon jugement, les quelques décalages ou même le fait de me téléporter, rien n’est vraiment aberrant. Je ne sais plus… Rien ne me prouve formellement que ce n’est pas un songe. Et même si ce n’en est pas un, puisque cette personne est consciente que je ne suis pas coupable, que je n’ai absolument rien à faire là, alors peut-être que je pourrais être libéré.

Première chose que j’apprends avant toute histoire de me libérer, c’est que personne ne peut m’ouvrir la porte. Comment je vais faire pour sortir de là, alors ? Et, aussi, est-ce un moyen de me dire que je vais rester dans cette cellule à perpétuité ? Franchement, il y a trop de choses. Je peine à rester silencieux et, surtout, calme.



Alors que je murmure ces mots, je le vois s’asseoir comme moi, à même le sol, en tailleur et avec les mains bien en vue. Pas clé à l’horizon, pas même le son d’un cliquetis quand il a bougé. Peut-être qu’il n’a pas menti en prétendant ne pas avoir de clé. C’est une chose. Mais qu’en est-il des autres ? Puis va falloir me donner des explications sur ces téléportations. Depuis quand ça existe dans la réalité ? Je suis même certain qu’un Youtubeur avait mentionné que même si on venait à trouver la technique ou les matériaux nécessaires (ce qui n’était pas prêt d’arriver aux dernières nouvelles), la rotation de la terre ne permettrait pas de le faire pour autant. Alors comment… ?!
Et pour ma condamnation ! Si lui sait que je suis innocent, pourquoi je suis là ?! Pourquoi m’avoir jugé ?! Ils n’ont même pas de preuves !! Mon regard se pose un instant sur le toaster sur ma table de nuit avant de regarder à nouveau le médecin, éberlué. Comment ça, utiliser ce truc pour écrire à quelqu’un ?! C’est totalement n’importe quoi !! Mais qu’on arrête donc de me prendre pour un… ! Attends une seconde… Comment ça, une remise de peine n’est certainement pas possible ? Comment ça ?! Pourtant il vient de me dire qu’il sait que je n’ai rien fait de  mal. Mais c’est quoi ce p*tain de bord*l de m*rde ?! Je continue de le fixer, silencieux, mais ça doit se lire sur mon visage que je n’aime pas ce que j’apprends. On m’a déjà dit combien je suis expressif, alors il doit sans doute le voir.

Qu’il le voit ou non, il continue, me faisant comprendre qu’il peut éventuellement répondre à mes questions, voire essayer de me soigner si je l’accepte. Sincèrement, je ne sais pas à quel point je peux lui faire confiance. Alors je ne pense pas le laisser m’approcher pour le moment. Par contre, je compte bien sauter sur l’occasion pour lui poser mes questions, effectivement. J’espère qu’il est prêt et qu’il a une bonne mémoire :



Déjà, si j’ai des réponses pour tout ça, alors ça devrait être un bon début. Ah mais… Attends… Comment je suis sensé savoir s’il va me dire la vérité ou pas ? Je suis dans la merde…

J’ai de la chance qu’il ne m’ait pas arrêté ou que, après ma série de question, il ne me reproche rien, non ? Mais a-t-il l’intention de me répondre ? Alors que je le regarde, il garde le silence. Ça va m’énerver s’il garde trop longtemps le silence. Je me sens pas bien. J’ai l’impression que tout mon univers s’écroule. C’est comme si j’avais été rapetissé et laissé au milieu de nulle part, entre les brins d’herbe et les insectes. Franchement, je n’aurais pas été moins paumé que maintenant. Je soupire, pensant à ce jeu dans lequel les enfants joués acceptent bien trop facilement leur situation.

Finalement, le médecin me répond pour me dire qu’il n’a rien à me proposer concernant ma condamnation et sa durée. Quel enfer… Heureusement que mes questions ne portaient pas que sur ça sans quoi je l’aurais envoyé sur les roses. Alors même qu’il n’y est pour rien. J’en suis bien conscient. Pour autant, je suis seul face à ce problème, seul à devoir le gérer avec tout ce qui s’y rapporte. Je n’étais pas préparé à ça, c’est horrible.
Le sujet se porte ensuite sur le toasteur. Celui qui se trouve dans ma cellule est bel est bien fait pour envoyer des messages. Mais… C’est étrange… S’il nomme ça comme ça, c’est qu’il ne devrait pas connaître celui auquel je suis habitué. Pourtant, il en parle comme s’il avait l’habitude. Ah… Je suis fatigué. Au moins, je n’aurais pas à expliquer la manière dont j’ai l’habitude de m’y prendre, moi. Je n’aurais pas supporté, je pense.

Maintenant que j’y pense, malgré mon état, je le malmène pas mal. Pourtant, il ne me reproche rien et il me répond comme si je lui avais parlé sur le ton de la simple conversation. Je suis tombé sur une personne très patiente, mine de rien. Tous les médecins n’ont pas la patience de gérer les autres, même s’il s’agit habituellement de leur rôle. J’en sais quelque chose.

Et voilà maintenant que la téléportation n’est pas de la téléportation. Un “système de porte”. N’est-ce pas pareil ? On passe d’un endroit à un autre en une fraction de seconde. Qu’est-ce que c’est si ce n’est pas de la téléportation ?
Je soupire. Au point où j’en suis, je n’ai qu’à me dire que, comme le toasteur, ce n’est qu’une différence d’appellation. J’en ai juste assez de toute cette merde. Je veux rentrer chez moi, retrouver la chaleur de mon foyer et l’humour de mes amis. Aussi, j’aimerais que tout ça ne soit qu’un simple cauchemar.

Pensant ainsi, j’ai simplement cessé de regarder cet homme qui a fini de répondre à mes questions. A la place, je tente de faire discrètement un inventaire de ce qui se trouve dans mon sac, rapidement, histoire de penser un peu à autre chose. Concentré afin d’oublier au moins un moment mes tracas et, ainsi, éviter de paniquer plus que je ne l’ai déjà fait, je sursaute en entendant à nouveau le médecin. Hein… ? Comment il connaît… ? Sans trop y croire, je lui demande :



Je n’y crois pas. En fait, s’il est là en tant que détenu, je ne peux que mieux comprendre la raison de sa disparition. Je dois avouer que l’idée seule m’amène énormément de culpabilité par rapport à la colère que j’ai ressenti face à la sensation d’abandon. Par contre, je crains que ce ne soit pas si simple. En m’entendant m’énerver, pourquoi ne s’est-il pas manifester s’il est vraiment ici ? Et pourquoi aurait-il parlé de moi au médecin ? Quelque chose ne va pas et je déteste les hypothèses qui me viennent. Je déteste encore plus celle qui stipule qu’il est rentré chez lui comme une fleur sans jamais rien me dire, sans me prévenir. J’ai peur de savoir…

Cet homme est-il un saint ? Depuis son arrivée ici, il ne m’a jamais pressé ou fait la moindre remarque. Je n’aime pas forcément ignorer les autres ou leur montrer une attitude aussi fermée. Seulement, à l’heure actuelle, j’apprends beaucoup de choses aberrantes et, soyons honnête deux minutes. Comment peut-on réagir correctement quand toute notre vie bascule en moins d’une seconde ? Perso, je suis tellement chamboulé qu’il m’est impossible d’agir normalement. J’ai tout perdu, à part la vie et quelques-unes de mes affaires de cours. Et une partie de mon intégrité, à la limite. Mais est-ce assez pour que je puisse réellement le prendre bien ? Pour moi, c’est impossible. C’est encore pire que de perdre sa maison entière à cause d’un sinistre ou de savoir qu’on va mourir jeune ! Je suis donc très reconnaissant pour le temps et l’espace que l’on m’accorde.

Puis vient le moment où on m’appelle par mon nom alors que je ne me suis pas présenté. Afin de mieux comprendre la situation et la raison pour laquelle il connaît mon identité, je cherche à savoir si nous connaissons bien la même personne qui a également été nommée. Sun. Je suis mitigé sur la façon dont je dois comprendre sa potentielle présence dans ces lieux bizarres.
Pour toute réponse, j'obtiens un hochement de tête. C’est bien lui. La personne qui m’a laissé derrière lui sans me prévenir, en me laissant un lapin. Je me sens amer… D’un autre côté, je suis soulagé de le savoir en bonne santé et pas trop loin de moi contrairement à avant. Mais, avant d’enchaîner sur sa situation exacte, j’ai une réponse à donner :



Je ne sais pas pourquoi, ma voix n’était pas forte. Pourtant elle n’était pas obstruée. Pas encore. Ah… C’est peut-être parce que j’ai appris que Sun est là aussi. Dans une cellule ? En liberté ?
Il ne faut que peu de temps pour qu’il me soit assuré que ta situation est différente de la mienne, donc que tu n’es pas condamné à perpétuité pour une raison aussi débile que fausse. Par contre je ne sais pas si le fait que tu n’aies pas eu le choix me donne le droit de balayer des années de douleur causée par ton absence. Je le saurais avec le temps, je suppose ?

Mon regard suit le médecin qui se lève. Va-t-il s’en aller maintenant ? Alors, je sais qu’il est tard, mais je ne veux pas qu’il s’en aille maintenant. Même si je ne suis pas le meilleur interlocuteur qui soit. Et il n’en est rien. Il m’annonce seulement qu’il a une lettre pour moi de la part de Sun. Je suis on ne peut plus curieux de voir ce qu’il m’a écrit. Pour le signifier, je tends la main en demandant :



Pour une fois que je me rappelle les règles de politesse depuis le début de cette conversation. Je ne sais pas si je devrais rire ou pleurer de ma bêtise. Quoi qu’il en soit, il me donne la lettre que je fais passer à travers les barreaux pour pouvoir l’ouvrir, remerciant le médecin au passage. Je m’installe tout de même de sorte à ne pas lui tourner le dos, le dos appuyé contre le mur tenant la porte. Ce n’est pas très confortable, mais bon. Le plus important est ce que je lis.
Alors comme ça il a retrouvé son père… C’est une bonne chose pour lui. Pourtant, c’est difficile pour moi de savoir si je le pardonne totalement ou non. Après tout, je ne l’ai pas encore vu en face et je ne sais pas ce qu’il a fait en mon absence. Sérieusement… Comment peut-on aller bien alors qu’on a été kidnappé ? Je le vis actuellement et c’est pas ce que j’appelle “aller bien”. Je termine ma lecture et relis même quelques passages avant de demander à mon visiteur :



Juste après ma question, je tousse à nouveau afin de libérer ma cage thoracique de tous les dépôts qui me gênent. C’est déjà un miracle que je ne le fasse pas plus souvent.

Bref… Maintenant que j’ai le courrier de Sun, autant que je lui réponde moi-même, non ? J’ai encore pas mal d’interrogations, de soucis non résolus et de difficultés avec la plupart des explications que j’ai reçues. Mais ce n’est pas en restant là à ruminer et pleurer sur mon sort que les choses s’arrangeront. Et quitte à en apprendre plus sur cet endroit, autant me renseigner avec la personne qui m’a promis un repas. Je lui dois aussi un coup de pied. Peut-être… Je déciderais en le voyant. Enfin… Je suis quand même soulagé qu’il ne m’ait pas oublié et, surtout, qu’il ne m’ait pas abandonné volontairement.

Je me sens plutôt chanceux que ce médecin ne me force pas à parler de mon état de santé après avoir vu que je ne souhaitais pas forcément le lui révéler. D’un autre côté, je n’arrive pas à savoir s’il le fera éternellement ou non. Tant pis… Je verrai bien. En attendant, je veux savoir si j’ai un moyen fiable de donner ma réponse à Sun. Puisqu’il est vraisemblablement ici, si j’en crois les dires de cet homme, et qu’il est désireux de me revoir, alors autant lui dire qu’il me doit un repas et qu’il a intérêt à me le payer. Pour cela, je demande une explication un peu plus approfondie du fonctionnement du toaster. Ah ! Mine de rien, je n’arrive pas à m’y faire. Dès que je m’imagine mettre un morceau de papier dedans, j’ai l’image d’un papier carbonisé qui me revient. Sérieusement… Ils ne pouvaient pas lui donner un autre nom, à défaut de lui donner une autre forme ? C’est à se demander ce qu’est un toast pour eux.

Bon, apparemment c’est aussi simple que de mettre une lettre à la poste. Tout pareil, si ce n’est qu’on appuie sur un bouton pour que ça l’envoie au destinataire. Un fax évolué ? Allez, Noah ! Concentre-toi sur ce qu’on te dit. Quoi ?! Comment ça, je peux pas envoyer de courrier à qui je veux ?! Borde !! J’ai l’impression qu’il y a rien qui va dans mon sens. C’est épuisant…
Comme s’il devinait mes pensées, le médecin me propose de lui confier mon courrier par deux moyens. Soit lui envoyer la lettre plus tard, ou lui donner directement si je l’écris maintenant. Quelle solution pourrait être le mieux ? Je jette un œil à cette personne patiente et calme. Puis-je lui faire confiance ? Je n’en suis pas encore sûr. Et puisque je n’en suis pas sûr, et que je ne veux pas que ma lettre se perde je ne sais pas où à cause d’un appareil qui ressemble à un grille-pain, autant tenter autre chose. Ou la retrouver brûlée… Bon. Quoi qu’il en soit, il ne me reste qu’une option qui me semble viable. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Je n’en suis pas moins sûr. Mais quelle autre solution ai-je ? Sans compter que, que ce soit un rêve ou la réalité, Sun est la seule personne, le seul élément, qui pourrait m’aider à me sentir mieux dans la situation actuelle. Finalement, qu’il m’ait laissé tombé ou non n’entre même plus en ligne de compte tellement je me sens complètement perdu et seul.



Cela dit, je prends un carnet ainsi qu’un crayon sans mon sac et entreprends d’écrire un mot pour mon tout premier amour. Je remarque du coin de l'œil que le médecin s’est assis comme avant, devant ma cellule, pendant que je fouillais dans mes affaires. Au moins, s’il bouge à nouveau, je pourrais le voir facilement. En est-il conscient ? Je ne saurais pas le cerner et je crains de me fourvoyer avec une première impression, si je venais à la déterminer. Autant me concentrer sur cette réponse.

Réponse de Noa:

Je ne sais pas trop quoi penser de mon mot. Il n’est ni gentil, ni méchant. Ni compréhensif, ni fermé d’esprit. En fait, j’y perçois un peu mon état actuel. Est-ce qu’il va bien le prendre au moins ? Je n’ai plus qu’à espérer que ce soit le cas. J’ai beau me relire, repenser à mes mots, regarder à la dérobée le médecin comme s’il avait une réponse pour moi et me creuser la tête comme si j’étais sur une dissertation, je ne trouve pas de solution pour améliorer mon mot. A part laisser barrée cette petite phrase. Je ne voudrais pas qu’il pense que je ne lui pardonnerais pas s’il ne vient pas le matin. En réalité, en écrivant ça, je pensais au fait que j’allais finir par mourir de faim si jamais il venait trop tard…
Finalement, je plie la feuille soigneusement et la tend à la personne qui m’attend avec plus de patience que je n’en ai jamais vu chez personne.



Maintenant, je me demande si ma lettre va arriver à bon port. Je ne le saurais que dans quelques heures, sans doute. Est-ce que je tiendrais vraiment jusque-là ? Je n’arrive pas à penser que c’est possible. Pourtant, il faudra bien puisque personne ne viendra m’aider même si je hurle à la mort de me sortir de là. Aucune remise de peine possible… Alors que je n’avais pas de poisson rouge à garder… Je ne m’en remets pas…

J’apprécie la précaution qu’il a en prenant mon courrier. Ca m’énerverais vraiment que Sun, qui sait normalement combien je prends soin de mes affaires, pense que je lui ai juste écrit un message à la va-vite avec un morceau de papier trouvé au fond de mon sac. Ce n’est pas le cas, et je ne veux pas qu’il pense le contraire. Je me sens nerveux. Au point que même la promesse de monsieur Grimm ne me paraît pas totalement réelle. Ce n’est que si je revois Sun que je pourrais probablement penser qu’il m’a dit la vérité. Pas avant. C’est impossible. Pourtant, je hoche vaguement la tête. Je ne voudrais pas qu’il pense que je ne l’écoute pas.

Suite à tout ça, il me conseille d’aller me reposer, de dormir un peu. … Il est drôle; lui. Je suis dans un environnement qui me paraît totalement hostile et qui l’est même probablement, dans lequel je ne suis pas censé être, j’ai appris des choses aberrantes et, pour couronner le tout, je suis censé m’être levé il y a seulement quelques heures. Pour faire plus court : je suis loin d’avoir sommeil. Malgré tout, je n’ai pas l’énergie de parlementer avec lui, surtout qu’il doit dire ça pour mon bien. On voit qu’il est médecin quand il dit ce genre de choses. Je hoche donc la tête en signe d’affirmation avant de tousser à nouveau.

Malgré mon affirmation, il ne bouge pas. Sérieusement ? Il va me surveiller ? C’est un médecin ou un maton ? Je soupire et me lève, gardant à tout moment mon sac avec moi. Je vais fouiller dans l’armoire et en sors les draps dont on m’a parlé un peu plus tôt. Je m’installe, mon cartable dans les bras, sous la couverture. Je sens combien je suis tendu. Jamais je ne pourrais dormir. Pourtant, dès que j’entends les mots du médecin me souhaitant de me reposer, je sens mes paupières s’alourdir dans la seconde. Hein ? Il se passe quoi ? Pourquoi… soudainement… ? …

Je suis réveillé par les premières lueurs du jour. … Comment j’ai fait pour dormir ? Par quelle sorcellerie… ? Jamais je n’aurais cru ça possible. J’étais trop tendu pour ça. Et je voulais réfléchir à tout ce que j’ai appris, à ce qu’il s’est passé… … Pas grave. Au pire, c’est pas le temps qu’il me manque pour ça, maintenant.

En regardant autour de moi, je me rends compte que ma cellule n’est pas plus accueillante que pendant la nuit. J’aime pas ça. Il est quelle heure… ? Presque sept heures. J’ai un peu de temps avant que la porte s’ouvre si je me rappelle bien. J’aurais dû noter les horaires. En attendant, je me prépare à changer l’heure sur mon téléphone pour lorsque je sortirais. Ce serait dommage que j’arrive en retard pour dormir et que je doive rester dans le couloir. Pas que ce soit moins confortable, à vrai dire. J’ai tellement mal au dos !
En attendant l’heure, je me débarbouille rapidement et arrange mes cheveux histoire de ne pas être peigné avec les pattes du réveil. Pas totalement en tout cas. Puis, je vais me rasseoir sur le matelas inconfortable. Le tout non sans avoir eu quelques quintes de toux, sinon c’est pas drôle.
Dans quelle galère je me suis fourré ? Pas volontairement… Mais quand même. Condamné pour quelque chose de complètement improbable et… Je ne pourrais plus jamais revoir ma famille… A moins qu’ils ne soient envoyés ici, mais est-ce seulement possible ? J’ai envie de pleurer quand j’y pense, mais contient mes larmes. Ce n’est pas le bon moment…

Lorsque la grille s’ouvre, et que j’ai appuyé sur la validation du nouvel horaire de mon téléphone, je prends mon sac et vais m’installer dans l’encadrement de la porte. Je ne sortirais pas de cet endroit tant que Sun ne sera pas venu me chercher. C’est ici que je lui ai donné rendez-vous de toute façon. Pourtant, j’ai tellement envie d’aller voir comment est l’extérieur. Autrement qu’à travers la lucarne-fenêtre. Je veux le voir sans artifice ni d’autres limites que celles de ma vision. Sun… Viens vite…

Lorsque j’entends du bruit dans le couloir, seules quelques minutes sont passées. Puis, il ne faut pas plus de quelques secondes de plus pour qu’une silhouette élancée, pieds nus, les cheveux bruns en bataille, ne court dans ma direction. Une course qui ne dure pas depuis peu si j’en crois la rougeur du visage parsemé de tâches de rousseurs que je n’ai jamais oublié malgré le temps passé. Je me relève un peu juste avant d’être enfermé dans une paire de bras puissants et, surtout, extrêmement chaleureux. Je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit et, maintenant, alors que j’ai l’impression qu’il tremble, qu’il a du mal à se remettre de sa course, je me demande si ce n’est pas moi qui l’ai mis dans cet état avec le mot que je lui ai fait passer. C’est pas comme si ses excuses pouvaient m’aider à penser le contraire. D’un autre côté, je peux maintenant comprendre qu’il s’agit bien de Sun et que le médecin m’ayant rendu visite dans la nuit ne m’a pas menti. Mon mot lui est parvenu sinon il ne serait pas venu, ou bien plus tard. Il est venu en voulant se faire pardonner.

Doucement, alors que je tremble moi aussi, les larmes m’échappant pour pas mal de raisons, j’attrape le tissu de son haut au niveau de son dos. Je veux plus qu’il parte loin de moi. Sans lui, je suis tout simplement seul. Seul dans un endroit inconnu que je ne quitterai sans doute jamais avant ma mort.
Mon visage enfoui dans ton épaule, des sanglots m’échappent. Je m’en remets pas de la raison pour laquelle je suis là. En plus, j’ai l’impression d’avoir tout abandonné. Depuis des heures je veux pleurer, appeler une aide qu’on peut pas me donner. Dans toute cette affreuse situation, tu es la seule personne que je connaisse et en qui je pourrais faire confiance les yeux fermés. Je sais maintenant que c’était pas ta faute et, malgré la crainte que tu puisses m’abandonner à nouveau qu’il pourrait me rester, je ne veux plus jamais te quitter. Certes, j’ai un autre allier. Je ne lui porte pas l’affection que je te voue. Je me demande si tu en es conscient… Je me demande si tu devines mon état.

Lorsque mes pleurs se calment, c’est une toux grasse qui la remplace. Elle n’est pas longue mais je crains qu’elle ne t’inquiète. Je resserre donc ma prise sur ton haut pour rester dans tes bras, t’inciter à ne surtout pas me lâcher.



Je ne te lâche pas tant que tu n’es pas d’accord avec l’idée. De toute façon, j’ai besoin de sortir de là. De voir comment est l’extérieur. Ne plus me sentir enfermé comme un criminel. J’ai rien fais de mal. A quel point me croirais-tu si je te le disais ? Est-ce crédible à tes yeux ? Est-ce possible pour toi qu’on aille en prison pour un poisson rouge qu’on connaît pas ? … A quel point as-tu confiance en moi ?

J’apprécie que tu ne m’aies pas lâché. Que tu m’aies consolé. Tu as tout fait pour que je puisse me libérer sans me sentir seul. Même lorsqu’est venu le petit désagrément contre lequel je lutte depuis ma naissance, tu acceptes de me garder dans tes bras. Tu ne me montre pas non plus si tu t’inquiètes, m’aidant simplement à me reprendre à mon rythme. Pour tout cela, je te remercie de tout mon cœur. Je ne demandais pas mieux.

Maintenant, la grande question est si tu vas accepter ce repas que tu m’as promis ou si tu vas plutôt t’inquiéter de mon état de santé. Ou alors… n’es-tu venu que pour éviter un conflit que tu juges inutile ? Je ne veux pas découvrir que tu m’avais oublié jusqu’à aujourd’hui. Surtout après ton arrivée…
Tu m’accordes ce repas. Pourquoi as-tu l’air si perdu ? Alors que tu me lâches, je cherche à le deviner à travers ton expression. Je ferme un instant les yeux, le temps que ta main passe sur l’une de mes joues, séchant mes larmes. Ce geste m’a l’air si tendre… Ai-je le droit d’y croire… ? De croire que mon amour n’est pas à sens unique ? Pensons-nous à la même chose en ce moment-même ? Allons-nous… nous embrasser ?

Rompant toute la magie de ce moment dans nos retrouvailles, voici qu’un de nos ventres gargouilles. Je ris doucement d’amusement, relâchant une partie de la tension qu’il me restait tant c’est cliché. Sérieusement, je ne m’y attendais pas du tout. Toi non plus, si j’en crois ton sursaut.
Tu me prends la main et, alors que nous nous levons, j’aperçois que tu n’as aucune chaussure aux pieds. Mon sac en main, je suis entraîné à ta suite et, assez rapidement, je marche à tes côtés. Je te remercie pour l’attention que tu donnes à ma santé sans me le faire ressentir, juste en marchant à une allure que je suis capable de suivre. Grâce à ça, je suis tout à ton écoute alors que tu m’expliques comment arriver rapidement aux cuisines. Par contre… n’es-tu pas un peu nerveux ? … A cause de ce qui se passait avant qu’on se lève ? Il n’y a aucune raison, mais j’imagine que, pour toi, ce n’est pas si simple puisque j’étais encore mineur quand tu as disparu. Puisque c’est ainsi, je préfère te changer les idées au lieu de t’enfoncer un peu plus. Surtout que j’ai tout le temps dont nous avons besoin si j’ai bien compris ce que m’a dit monsieur Grimm avant que je ne dorme.



Désolé de ne pas te laisser assez de temps pour me répondre entre chacune de mes questions, mais je pense que je suis simplement en train de chercher un minimum de logique dans tout ça, et à ne pas me sentir totalement perdu une fois que je serais seul. D’un autre côté…



Bien que j’ai murmuré ces mots, je ne pense pas que tu les aies vraiment compris. Pas grave. J’ai encore le temps de te faire une réelle demande. Je ne veux pas rester seul et, aussi, je veux rattraper le temps que nous avons perdu, retrouver nos moments passés ensemble… et te conquérir si tu ne me vois pas comme un enfant. Puis-je avoir un léger espoir que ce soit possible ?