Cela fait quatre jours que je suis arrivé ici. Je pourrais même dire que ça faire quatre jours que j’ai été condamné pour une raison d*bile et que j’ai appris qu’il n’y ait très certainement aucune remise de peine. Et puis-je ajouter que j’ai également revu pour la première fois depuis deux ans mon premier amour il y a quatre jours ?
Tant de choses se sont passées -et je ne parle même pas des dingueries du même genre que le toaster- en si peu de temps que je suis épuisé.  C’est donc sans aucune surprise que je me suis rapidement endormi dans mon lit extrêmement inconfortable au sein de ma cellule glauque, mon sac de cours dans mes bras. Si j’avais fait une chose pareille chez moi, je suis persuadé qu’on se serait foutu de ma gu*ule en prétextant que je me suis marié à l’école. … Cela aurait sans doute été plus agréable que de me sentir en danger dans cette prison…

Malgré ma fatigue et que je me sois endormi assez rapidement, mon sommeil reste extrêmement léger. Il pourrait sans doute suffire d’une résonance sur les murs de la tour pour me réveiller. Et quelle résonance ! Je sursaute de peur à l’entente de l’activité soudaine non loin de ma cellule. On m’attaque ? On vient me chercher ? … Non. Ma cellule ne s’ouvre pas et un coup d'œil à mon portable m’indique qu’il est minuit. Je me relève et bâille brièvement avant d’avoir une grosse et grasse quinte de toux. Je soupire dès qu’elle se termine, je sors de mon lit pour m’approcher de la porte de ma cellule. Habillé comme je suis arrivé, avec un jean, un tee-shirt et une veste, je suis largement assez présentable pour ne pas avoir honte qu’on me voit. Bon, peut-être que mes cheveux sont un peu en bataille. Mais osef, je suis pas à un entretien.

Je peux apercevoir les geôlier passer pour disparaître dans le couloir. Comme à mon arrivée, maintenant que j’y pense. Tiens… N’était-ce pas également à minuit que je suis arrivé ? Dans ce cas, cela voudrait dire que je ne suis plus le seul prisonnier de cette prison ? Bon, vu les circonstances de ma propre venue ici, je ne peux pas m’en réjouir. Pourtant, d’un autre côté, je ne peux pas m’empêcher de me dire que je pourrais plus facilement me sentir moins seul. Heureusement que Sun est là parce que… je doute que j’aurais réellement tenu le coup.

En forçant un peu pour y voir plus clair dans le noir, je souhaite pouvoir apercevoir mon nouveau colocataire de prison dans la cellule d’en face. Cette volonté d’y voir plus claire fait s’allumer la lumière de mon espace, m’éclatant les yeux au passage. Ca, c’est fait… Bref, au moins, une fois l’éblouissement passé, je peux mieux entrevoir une silhouette fine. Je me racle doucement la gorge et salue san joie et tout autant de peine :



Maintenant, je n’ai plus qu’à espérer que je ne sois pas face à une personne désagréable. Cela serait bien plus compliqué pour converser. En attendant, je bâille à nouveau en passant une main devant ma bouche. Il fallait s’y attendre, je n’ai pas encore fini ma nuit. D’un autre côté, je ne sais pas si monsieur Grimm va venir, ce soir. Alors, autant l’aider comme on m’a aider. Au moins un peu. C’est la moindre des choses.

Est-ce que je lui aurais fait peur ? Oups… C’était pas voulu, mais je peux totalement comprendre sa réaction. Il est dans un endroit lugubre pour une raison certainement aussi abracadabrante que la mienne -je me demande s’il a aussi eu le droit à une histoire de poissons rouges- et, pour couronner le tout, il est dans le flou absolument concernant tout ce qui entoure tout ça. Je le sais. Je l’ai vécu avant lui. C’est pour ça que je lui laisse le temps de se remettre, de rassembler les idées et, surtout, de me catégoriser comme étant un allié et non un ennemi. Il n’est pas sûr qu’il n’ait pas les réponses dont il aura besoin pour vivre correctement ici au compte-goutte auprès du personnel. Puis, je me suis renseigné en sachant que je ne serais pas le dernier comme ça -et aussi pour moi-, alors ça m’énerverait un peu d’être rejeté dans ma bonne volonté. Bref… On en est pas là.

Tout bafouillant, l’homme dans la cellule d’en face me fait savoir qu’il se nomme Yshim. Il n’a pas l’air serein du tout, même en me voyant dans le même état que lui. Et, tout comme moi il y a quatre jours, je ressens une forte envie de pleurer venant de lui. Encore une fois, pas étonnant. C’est une réaction normale. Je me demande quand même comment était sa vie avant ça. Est-ce qu’il la regrette ?
A son tour, il me pose une question de manière égale à celle dont il m’a répondu. Calmement, étouffant un bâillement de fatigue, je lui réponds tranquillement :



Je ne sais pas vraiment comment il va prendre les choses. Sera-t-il rassuré ? J’en doute. Mais peut-être pourra-t-il voir du bon en se disant qu’il n’est pas le seul dans cette situation. Je lui laisse quand même un peu de temps avant de lui demander, plus par curiosité qu’autre chose :



Je lui souhaite vraiment que ce ne soit pas au niveau des poissons rouges. D’un autre côté, avec le peu que je vois de lui, il n’a pas vraiment la tenue ou la tête d’une personne prête à faire du mal aux autres. Enfin… On ne devrait pas juger un livre à sa couverture. Je ne le connais pas, pour le moment. Je me demande si ma première impression pourrait être juste. Je le vois assez humain et… fragile ? Un peu. D’ailleurs, je me demande ce que c’était ce bruit métallique…



Petite information qui pourra potentiellement l’aider, le temps que j’y pense. La mienne m’a éclaté les yeux, pour autant l’avoir allumée est toujours utile. Au moins, ça lui permet à lui de me voir plus clairement. J’aimerais que ça puisse le rassurer un peu d’avoir un “gosse” de dix-huit ans face à lui.

S’être levé du mauvais pied ? Mmh… Vu la raison débile pour laquelle j’ai été emmené là, je me pose sérieusement la question s’ils n’ont pas été capable d’en parler au sens littéral. Quoique le sens figuré est également possible. Mmh… Dans tous les cas, ça ne change rien à sa présence dans la cellule d’en face.
Je remarque également qu’il ne se rassure pas vraiment de ma présence avec lui. Il a une attitude fermée, difficile à ouvrir. Si je devais donner une comparaison… Ah ! Une de ces huîtres qu’on mange à Noël. Maintenant, la question serait de savoir si j’ai un semblant de couteau à huître dans mon panel de conversations. Après tout, même mon conseil concernant la lumière est… Non. Je ne vais pas dire qu’il l’a balayée comme si ça ne lui était pas utile. Quoique… un peu quand même, non ? Je veux dire, je n’ai même pas eu le droit à un semblant de remerciement pour l’info. Si jamais monsieur Grimm vient lui rendre visite comme il l’a fait pour moi, ça risque d’être compliqué pour lui aussi.

Doucement, je me gratte l’arrière de la tête, l’air complètement ensommeillé, me demandant comment lui donner un peu d’espoir. Ou même lui donner les petites informations dont il pourrait avoir besoin par la suite… Fatigué, ma réflexion se met en pause le temps d’un bâillement suivi d’une nouvelle quinte de toux. Puis, calmé, je soupire doucement avant de regarder mon interlocuteur. En vrai, il semble plutôt jeune. Comme ma soeur, peut-être ? Par contre, contrairement à elle, il a les cheveux noirs et une paire de lunettes sur le nez, sans parler de son air tout triste, penaud, ou je sais pas trop quoi. Mmh… Je suis pas vraiment avancé…



Autant qu’on mette ça au clair, que je sache s’il est mieux que j’aille me recoucher et me reposer ou si ça attendra. Je peux pas le laisser comme ça sans que ce soit sa volonté, ce serait mauvais pour son moral. Encore plus si monsieur Grimm ne peut pas venir aujourd’hui. … Je me sens un peu égoïste. D’un autre côté, ma journée n’était pas des plus reposantes et ma toux me crève de plus en plus. J’espère juste ne pas me choper une bronchite ou pire cet hiver. Ça serait le comble. … Le mieux serait que j’arrive à améliorer le confort et l’isolation de ma cellule. En deux-trois mois, est-ce que c’est vraiment possible de gagner assez pour acheter tout ce dont j’ai besoin ? J’en doute.

En vérité, il est vachement calme. Est-il complètement détaché de ce qui lui arrive ou simplement apathique ? A moins qu’il ne cherche à cacher ce qu’il ressent pour éviter que nos geôliers ne l’utilisent contre lui ? Ah… Impossible de le dire comme ça et, vu sa réponse à ma proposition, je doute qu’il me réponde. Je sens qu’il veut pas me parler, quelle que soit la raison, et ce depuis le départ. J’espérais lui faire changer d’avis, mais, là, ça devient compliqué d’être positif sur la question. Et cette fichue toux qui m’a pas aidé pour le coup. Mmh… En ai-je parlé à Dana ? Je sais plus… Je pourrais vérifier si j’ai encore mon ordonnance pour en savoir plus mais, là, j’ai pas la tête à ça. Que faire ?

J’ai vraiment l’impression qu’il insiste pour que je le laisse tranquille. Impossible d’obliger quelqu’un à faire quelque chose, surtout dans notre situation actuelle, et avec tout ce qui lui arrive, c’est certainement la pire idée à faire. D’un autre côté, je crois pas que ce soit mieux de le laisser seul. Je réfléchis -difficilement, faut pas déconner- et finis par aller vers mon lit. Je prends ma couverture, mon sac et mon oreiller avant de m’installer tout contre la grille froide qui forme la porte de ma cellule. J’ai pas trouvé de meilleure idée…



Pour le moment du moins, mais lui préciser ne changera pas grand-chose. Au pire, il sera pas trop tard de lui faire la précision de ce que j’ai plus tard. Et avec toutes les bizarreries ici, je sais même plus ce qui est comme notre monde.



Pas sûr qu’il me croit, mais au moins on pourra pas me reprocher de pas lui avoir dit. Du coup, installé sans que ce soit moins confortable que mon lit, je ferme les yeux, faisant s’éteindre la lumière de ma cellule puisque je n’aime pas dormir avec la lumière en général. Et, une fois n’est pas coutume, fermer les yeux ne veut pas dire dormir. Je me demande vraiment comment j’ai fait pour m’endormir le jour de mon arrivée. Dana Grimm est-il un grand influenceur ou un magicien ? Je délire, c’est du grand n’importe quoi…

Le sol est froid. Et dur en plus de ça. Au point que la couette que j’ai enroulée autour de moi comme un sac de couchage n’aide pas vraiment à améliorer mon confort. C’est pareil avec le mur et l’oreiller. Tiens… maintenant que j’y pense, je suis en train de me dire que c’est presque étrange que ces choses-là n’aient pas un nom abracadabrant ou une autre fonction que celle qu’on leur connaît chez moi. Un peu comme le… Ah… Je dois vraiment être fatigué pour revenir à ce point à cette bizarrerie. Je ferais mieux de dormir…

J’ai beaucoup de mal à retrouver le sommeil. Je m’inquiète pour le petit nouveau qui semble aussi orienté que moi lors de mon arrivée. Voire pire… Je ne peux pas me permettre de le laisser tout seul dans ces conditions, que je sois malade, qu’il fasse froid ou que je sois fatigué. Ce ne sont pas des raisons pour abandonner quelqu’un.

Malgré tout, la fatigue me rattrape. Ou m’a rattrapé ? J’ouvre difficilement un œil alors que je sens une main chaude, douce et grande passer sur ma joue. Je pensais voir mon père, mais c’est pas lui. Il est pas roux… Je râle doucement avant de tousser pour libérer mes poumons de ce mucus indésirable. Hein ? Retourner au lit ? Je peux pas le… Il va rester ici ? Avec le p’tit nouveau ? Je prends un instant pour réfléchir. Finalement, c’est totalement endormi que je hoche vaguement la tête. Je ne reconnais Dana que lorsqu’il est en train de parler au nouveau locataire permanent. Je soupire, me disant que c’est peut-être mieux comme ça. Du coup, comprenant que je ne pourrais pas lutter contre la fatigue, je prends mes affaires pour retourner au lit.

Finalement, ce n’est qu’après quelques toux et plusieurs minutes de pensées décousues que je me rendors. Un sommeil encore léger malgré la fatigue.